Le sommet de Cancun s'est refermé sur un échec. Un échec cuisant qui ne semble satisfaire que les organisations altermondialistes. Quatre ans après Seattle, les négociations au sein de l'OMC sont à nouveau dans l'impasse. Cancun devait pourtant être le rendez-vous incontournable pour tenter de résoudre de multiples dossiers. Les pays pauvres souhaitaient notamment la fin des subventions agricoles américaines et européennes et un meilleur accès aux médicaments génériques pour faire face aux pandémies. Les pays développés avaient également des thèmes qui les tenaient à cœur comme l'abaissement des droits de douane, la libéralisation des services ou l'investissement. Pour l'Europe, l'environnement et les appellations géographiques, notamment en matière de vin, figuraient aussi au menu des questions à aborder.
Si l'agriculture a constitué le principal point d'achoppement durant ces cinq jours, l'échec de Cancun vient surtout du refus de beaucoup de pays pauvres, le “G22”, emmenés par le Brésil, l'Inde et la Chine, de discuter de nouvelles règles visant à réduire la bureaucratie et à faciliter l'investissement, la concurrence et les échanges. De nouvelles règles que les pays en développement jugent coûteuses et contraignantes et qui pourtant avaient notamment pour but d'abaisser les tarifs douaniers. Un sujet sensible pour les exportateurs de vin : certains pays comme l'Inde pratiquent des tarifs très élevés.
Dans le domaine agricole, l'Union européenne a affronté une nouvelle fois le groupe de Cairns, formé de 18 pays très exportateurs (comme l'Argentine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou l'Afrique du Sud), qui réclament le démantèlement des subventions agricoles et l'accès aux marchés. Mais l'Europe défend son système d'aide et face à ces pays demande une protection mondiale pour les indications d'origine géographique, qui constituent une question cruciale pour le marché du vin. Depuis 2001, l'OMC s'efforce de créer un système multilatéral d'enregistrement de ces indications d'origine géographique. Mais si l'Europe milite pour un cadre contraignant visant à les protéger, le groupe de Cairns, dont font partie les pays du Nouveau Monde, souhaite plus de souplesse et affirme qu'une simple “liste d'information” suffirait.
L'Europe plaide aussi pour que les indications géographiques correspondent au lieu de production tandis que les pays du Nouveau Monde ne jurent que par le lieu de transformation finale (le site de vinification par exemple). Pour ces pays, Chablis, Champagne ou Chianti sont devenus des noms génériques et donc ne désignent pas uniquement, loin de là, des produits européens. La production annuelle des faux Chablis est estimée entre 1,3 et 1,6 million d'hectolitres, soit 7 à 8 fois le volume de Chablis français ! En outre, “Chablis” aux Etats-Unis désigne un vin bas de gamme. Certains pays, dont le Chili, l'Australie, l'Afrique du Sud ont signé avec l'Europe des accords bilatéraux sur le commerce des vins et se sont engagés à respecter certaines appellations. Le Canada est entré lui aussi dans le mouvement et a accepté de protéger quelques dénominations comme Chablis, Marsala ou Sherry.
Ces pays lorgnant sur le marché européen ont fait preuve de pragmatisme. Mais afin de protéger mondialement ses indications géographiques, l'Union européenne s'est rendue à Cancun avec une liste à défendre. Une liste qui comprenait entre autres les appellations Beaujolais, Bordeaux, Chablis, Champagne, Cognac, Médoc, Saint-Emilion et Sauternes.
Las, les discussions sur les appellations géographiques n'ont pas dégagé de consensus à Cancun. L'Union européenne s'était pourtant trouvée une alliée au sein du G22 : l'Inde, qui entendait faire respecter son riz Basmati ou son thé Darjeeling. Mais il faut dire que parmi les multiples dossiers que devaient aborder les 146 délégués de l'OMC, le problème des indications géographiques est quelque peu passé à la trappe. Il faudra donc encore patienter pour voir réglée au niveau mondial cette question lourde d'enjeux pour la France et les autres pays viticoles européens. |